Béatrice de Crécy : Bonjour. Je m’appelle Béatrice de Crécy et je suis la directrice artistique de la marque de chaussettes Bonne Maison que j’ai fondée avec Jean-Gabriel Huez en 2012.
Quand j’étais aux Beaux-Arts, je travaillais dans le bureau de style de Christian Audigier pour gagner ma vie. De fil en aiguille, j’ai trouvé ça plus intéressant que mes études et donc j’ai mis fin à celles-ci en dernière année pour m’occuper du graphisme au sein de ce bureau. En 1990, je suis partie pour monter mon propre bureau à Lyon, dans lequel on faisait des catalogues, du graphisme et des collections. On travaillait avec beaucoup de marques de sportwear comme GoSport ou Adidas. C’était très varié. Ensuite j’ai déménagé en Corse où j’ai continué à travailler en freelance pour mes clients.
Je l’ai rencontré à l’occasion d’une mission lorsque je travaillais pour Christian Audigier. Lui travaillait pour la marque de chaussettes Doré Doré. On a eu plusieurs fois l’occasion de travailler ensemble et comme les projets sur lesquels on collaborait marchaient bien, je lui proposais souvent de créer notre propre projet. Quand il a décidé de créer sa société, tout s’est enchainé naturellement et c’est comme ça que la marque Bonne Maison est née.
Avec Jean-Gabriel, nous avions adoré les chaussettes japonaises vendues à l’époque chez Autour du Monde avec de petits motifs très fins. La chaussette, en plus d’être un accessoire très usuel, est un produit que nous connaissions très bien, tous les deux à notre niveau.
Je n’ai pas toujours eu ce sentiment mais il s’avère que c’est le produit sur lequel on a décidé de se lancer, donc, de fait, c’est devenu mon support d’expression. L’envie de raconter des histoires sur les chaussettes est venue petit à petit et comme je suis très libre créativement, c’est vite devenu une marque de chaussettes originales.
Je travaille beaucoup avec l’image. Je mets beaucoup d’images de côté, de peintures, d’architecture et de toutes autres sortes de choses. Ensuite, je fais du tri et je les assemble pour créer des planches d’inspirations. J’essaye de garder trois ambiances à la fin. La difficulté est de passer de ces inspirations à un produit visuellement fort et facilement compréhensible. Tout le travail est là : passer de mes envies à un produit. Souvent, je travaille avec une stagiaire à qui je communique mon univers et qui m’aide ensuite à aboutir les dessins qui se trouvent in fine sur les chaussettes. La collaboration est toujours très fructueuse, c’est un échange.
La première s’appelle « un soir ». Elle est inspirée des
tableaux de Markus Lüpertz
, qui a peint beaucoup de tentes, géométriques et en même temps très picturales, avec des mélanges de couleurs assez osés. Il y aussi les
peintures de Salvo
qui sont aussi géométriques mais avec des couleurs plus douces. Ce qui m’a inspiré c’est vraiment ce côté répétitif et coloré.
La deuxième s’appelle « Mandragore ». Je suis partie d’une image d’un plat de fenouille de ma tante, qui était magnifique. On voyait le fenouille vert tendre et un peu rosé, avec le persil vert vif. On ne retrouve plus tellement ça à la fin mais c’est ce qui m’a inspiré, notamment le mélange du vert et du rose. Les fenouilles sont devenus des
artichauds.
Puis ça m’a inspiré des
personnages de la Renaissance
et les
mandragores,
qui sont des petites racines à forme humaine.
La troisième s’appelle « un rêve », et là ce qui m’a inspiré c’est le travail d’une peintre surréaliste américaine qui s’appelle
Gertrude Abercrombie
. Les couleurs de cette histoires sont le bleu, le violet. Pour l’ambiance, j’ai pensé aux films de David Lynch, dans lesquels il y a parfois des scènes un peu étranges, comme dans les rêves. Sur les chaussettes de cette histoire, on voit des gros escargots, des hommes qui tombent et qui se rattrapent aux queues des chats, des yeux qui pleurent. Des choses bizarres, comme ce qui peut se passer dans les
rêves
.
Picasso est un maître absolu pour moi. Si je devais en choisir un, ce serait lui. Après, j’en aime énormément d’autres. Il y a aussi Matisse et David Hockney que je trouve géniaux. Le point commun c’est que ce sont des grands coloristes.
Oui, tout à fait. On prend les photos dans l’atelier partagé dans lequel je travaille, le week-end pour ne pas gêner les autres. On déroule un fond et on essaye d’imaginer des mises en scène. On trouve des vêtements et des chaussures et on demande à des étudiantes du studio Berçot, qui est juste à côté, si elles veulent bien poser pour nous. Mais ça peut aussi bien être une fille que je croise dans la rue ou dans un café. Une photographe travaille avec moi une journée par semaine. Pour les looks, on collabore avec des marques de chaussures comme Anne Thomas, la Botte Gardiane ou Yvonne Waska , dont les univers sont compatibles avec celui de Bonne Maison. Ça se fait assez spontanément, sans forcément beaucoup de préméditation.
On utilise un fil de coton égyptien qui est traité et filé de manière à éviter le boulochage. Ensuite, le coton est mélangé à un lycra très fin pour donner l’élasticité. Les pointes sont renforcées et nos chaussettes sont faites avec une technique de remaillage maille à maille, ce qui fait qu’il n’y a pas de coutures. Ça rend les chaussettes à la fois plus solides et plus confortables. Nous faisons également teindre la plupart de nos fils en Italie pour avoir des couleurs uniques.
Mon associé, Jean-gabriel Huez a une grande connaissance de la chaussette pour avoir travaillé pendant 15 ans chez Doré Doré. Ensuite on a mis au point nos modèles de chaussettes avec le PDG d’une petite usine de tricotage qui se situe dans un petit village à coté de Limoges. Il est très curieux et a cherché des solutions avec nous pour mettre au point nos chaussettes. Ça a pris beaucoup de temps avant de finaliser notre produit.
Comme l’usine avec qui nous avons développé le produit n’avait pas beaucoup de machines adaptées au départ, nous avons décidé d’investir dans deux machines dont nous sommes propriétaires et qui se trouvent à l’usine. Nous avons fait cela afin de marquer notre solidarité et notre volonté de collaborer avec ce fabriquant. On avait à cœur de lui montrer que, s’il nous aidait à mettre au point notre produit, nous allions ensuite travailler avec lui de façon pérenne, parce que c’est assez difficile de trouver un fabriquant qui accepte de vous aider à développer votre produit en France. Cela demande un réel investissement de sa part.
Les 20% restants sont fabriqués au Portugal. Mais c’est seulement parce que l’usine avec laquelle nous travaillons en France n’a pas la capacité de tout produire. Cela nous coûte le même prix au Portugal, si ce n’est plus cher, alors ce n’est pas une histoire de prix. C’est une histoire de capacité de production. Le tricotage ne coute pas si cher car il y a besoin de peu de main d’œuvre, contrairement à la maroquinerie. Donc c’est possible de faire fabriquer en France sans vendre à des prix faramineux.
Tout d’abord pour des questions de qualité. Ça permet de pouvoir mettre le produit au point plus facilement et de surveiller la production. Avec mon associé, on a toujours eu le souci du produit, plus que de la communication. Le côté « bleu, blanc, rouge » n’est pas notre cheval de bataille. Pour nous, le plus important est la qualité du produit et le fait que nos clients ne soient pas déçus lorsqu’ils achètent des chaussettes Bonne Maison.
L’autre aspect important que le fait de créer des emplois en France, même si je sais que les usines ont parfois du mal à recruter. Travailler dans les usines de textile n’intéresse plus tellement. Pourtant, à chaque fois que je vais finaliser les collections à l’usine, c’est un grand plaisir pour moi. Toutes les personnes avec qui je collabore sont très investies et à l’écoute, elles font des miracles ! Ce sont des métiers qui ont vraiment du sens, car on produit quelque chose. À la fin, on peut voir le fruit de son travail.
C’est en questionnement, mais pour le moment je ne peux pas vous en dire plus. En tout cas, ce que je peux vous dire c’est que j’en ai la volonté. J’aimerais bien élargir mes supports d’expression.
Avant je regardais ce qui se passait dans la mode mais maintenant je me sens un peu en décalage. Je vais beaucoup dans les friperies, les recycleries et les puces. Je n’achète presque plus rien de neuf. C’est très inspirant pour moi les vêtements anciens. Le monde de la mode me fait un peu peur en fait. Je ne me sens pas faire partie de cet univers, je suis dans une démarche beaucoup plus simple. Enfin, si je devais citer un créateur contemporain je citerais Jacquemus. Je trouve qu’il est fort dans les concepts, l’image et les couleurs.
Un meuble chez ma grand-mère qui était rempli de fils de soie, de tapisseries et de broderies.
Études, opus 10, n°1 de Chopin.
Dersou Ouzala de Akira Kurosawa.
Des places pour des pièces de théâtre ou des concerts.
En Transylvanie. .
Chez Taeko, le restaurant japonais du marché des Enfants Rouges.
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