La réalité derrière le greenwashing des entreprises

Le greenwashing, ou éco blanchiment en français, est un terme de plus en plus répandu. Il caractérise une pratique commerciale bien établie chez les entreprises (et pas que) qui consiste à prétendre adopter des pratiques respectueuses de l’environnement sans fournir de preuves tangibles, en faisant donc de la publicité mensongère. Il peut être pratiqué par une entreprise mais aussi, et on l’oublie souvent, par un organisme public ou encore un homme politique. L’objectif premier étant donc de tromper le consommateur et de bénéficier (à tort) de l’image positive renvoyée.
Nous plongerons ensemble dans le phénomène du greenwashing afin d’en explorer l’origine, les tactiques courantes ainsi que la manifestation concrète de cette pratique. Nous verrons également quelles sont les conséquences qu’il peut avoir sur les consommateurs et sur l’environnement.

Les origines du greenwashing :


Ce mot-valise est composé de green et de whitewashing (blanchir), terme souvent utilisé pour désigner l’attitude de politiciens qui se refont une légitimité sans dommages.
Le concept est né dans la fin des années 1980 et est attribué à un certain David Bellamy, botaniste anglais. Ce mot a tout de suite trouvé son public car il est apparu à un moment particulier : la première montée significative des préoccupations environnementales, marquée par des entreprises cherchant à tirer profit de cette nouvelle thématique.
En effet, alors qu’en 1990 a eu lieu la première édition du Jour de la Terre, et que le sommet de Rio pour 1992 était en préparation, les entreprises ont voulu chercher à exploiter la “tendance” et se trouver une légitimité "écolo" auprès du public. Cependant ce fut un travail beaucoup trop rapide, qui n’a pas été préparé et réellement pris en compte par les multinationales. Elle incarne donc le symbole du greenwashing, de se vendre comme “écologique” sans réellement prendre en compte les réelles préoccupations qu’elles engendrent.
Bien que le mot soit né dans les années 1990, le concept lui était bel et bien déjà courant dans les années 1960 aux Etats-Unis lors de la révolution verte, où les producteurs de pesticides prétendaient être les bienfaiteurs de l’humanité…

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Aujourd’hui le greenwashing est énormément présent dans notre vie quotidienne, voyons ensemble comment il se matérialise réellement.

Les tactiques courantes du greenwashing :


Même si parfois le greenwashing peut relever de la maladresse d’une entreprise (mauvaise compréhension des enjeux et des aspects techniques), il est cependant souvent pratiqué sciemment.
Voici dès à présent la panoplie de tout greenwasher (personne qui pratique le greenwashing) qui se respecte. Le champ des pratiques est large, il a le choix entre plusieurs techniques différentes pour se faire : le détournement de l’attention, le manque de transparence, les faux labels, et enfin le packaging trompeur. Bel arsenal pour induire le consommateur en erreur…

Commençons par la technique du détournement de l’attention. Aussi qualifiée d’initiative à faible envergure, le principe est simple : détourner l’attention sur les pratiques commerciales préoccupantes à grande échelle en communiquant énormément sur des initiatives mineures et isolées, qui ne sont clairement pas à la hauteur de l’impact de l’entreprise ce qui crée une illusion de durabilité. On peut aussi parler dans cette catégorie des partenariats avec des organisations environnementales qui permettent d’associer l’image de l’entreprise à des valeurs environnementales, même si les actions concrètes sont très limitées.
Cela peut par exemple inclure les entreprises de fast fashion voire d’ultra fast fashion, qui mettent en place une collection dite “éco-responsable” alors que la grosse majorité de leurs collections utilisent des fibres synthétiques issues du pétrole ou encore les entreprises qui disent fonctionner grâce aux énergies renouvelables alors que seulement une petite partie de leur production est réalisée grâce à elles, le reste restant effectué grâce aux énergies fossiles.

On retrouve aussi très souvent la technique du manque de transparence. C’est un moyen très facile de faire du greenwashing. Il suffit pour l’entreprise de communiquer sur de très grands engagements pris en faveur de l’écologie alors que les actes ne suivent pas du tout le discours. Il pourrait s’agir, par exemple, d’une banque prétendant dans sa communication protéger un site tout entier en refusant de financer des projets climaticides alors qu’en réalité, elle refuse les financements seulement pour un pourcentage infime de ce lieu.
Le greenwashing se manifeste aussi très souvent par un packaging trompeur, qui viennent “verdir” abusivement les emballages des produits. Il y a plusieurs possibilités: l’utilisation de termes vagues et des appellations trompeuses tels que “écologique”, “vert”, “naturel” sans preuve concrète pour étayer ces allégations. Elles sont donc interprétés de manière subjective ce qui laisse place à l'ambiguïté. On peut aussi parler de la couleur verte que l’on associe spontanément à la nature, à l’écologie, à l’environnement, ou de symboles, d’images de la nature, de la faune qui vont donner l’impression que l’entreprise est “écologique” même si les pratiques le contredisent totalement.

Pour finir, une autre technique consiste à utiliser des faux labels ou des étiquetages confus tels que “éco-friendly”, qui n’ont donc pas de certifications vérifiables et qui peuvent donc induire en erreur les consommateurs. L’absence de normes claires à ce sujet peut rendre les affirmations difficiles à vérifier. On peut aussi citer les références à des normes obsolètes c'est-à-dire l’utilisation de références à des normes environnementales obsolètes et/ou non reconnues qui peuvent donner au consommateur l’impression d’une conformité alors qu’elles ne reflètent souvent pas les meilleures pratiques. Certains s’amusent même à effectuer des comparaisons sélectives, c’est-à-dire qu’ils font des comparaisons avantageuses avec des concurrents, moins respectueux de l’environnement, mais ils ne fournissent pas de données ou de critères objectifs pour étayer les affirmations avancées.

Ainsi, à cause de cette multitude de techniques pour tromper le consommateur moyen, il est crucial pour eux d’être informés mais aussi d’être critiques face à ces tactiques, dans le but de distinguer les véritables engagements environnementaux des stratégies de greenwashing employées par les multinationales et autres organismes.

Le greenwashing engendre beaucoup de conséquences néfastes :


Comme nous venons de le voir, les déclarations fausses ou trompeuses, l'absence de preuve concrète dans les allégations environnementales avancées par les greenwashers peuvent induire en erreur le consommateur peu scrupuleux. Les conséquences de ces tromperies vont plus loin que le “simple” aspect financier. En effet, cela touche aussi l’environnement. Le greenwashing altère le jugement, ainsi en apportant leur soutien à ces pratiques non respectueuses de l’environnement, les consommateurs peuvent par inadvertance avoir un fort impact environnemental et contribuer à des problèmes majeurs tels que le réchauffement climatique ou encore la surconsommation et surexploitation des ressources. De plus, la perte de confiance des consommateurs envers les entreprises peut engendrer de la méfiance envers les entreprises authentiquement engagées dans la durabilité, s’investissant réellement dans des pratiques responsables.

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La réglementation et régulation autour du greenwashing :


Les greenwashers peuvent maintenant être sanctionnés. En effet, le cadre juridique a évolué dans cette direction ces dernières années notamment grâce à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire (loi AGEC) de 2020. Modifiant l’article L.121-2 du Code de la consommation qui définit la pratique commerciale trompeuse, la loi Climat et Résilience de 2021 a élargi la définition de la pratique trompeuse “en y insérant (...) les allégations, indications ou présentations fausses ou inexactes de nature à induire en erreur le consommateur sur l’impact environnemental du produit ou sur la portée des engagements de l’annonceur en matière environnementale”.
Ainsi le greenwashing est maintenant assimilé à une pratique commerciale trompeuse et est donc passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros.
Depuis le 1er janvier 2023, il est même interdit aux annonceurs d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou service est neutre en carbone (ou autre formulation équivalente) sans respecter un cadre précis.
En cas de non respect de ces obligations, une personne physique pourrait écoper de 20000 euros d’amende, une personne morale d’une amende allant jusqu’à 100 000 euros.
La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ( DGCCRF) intervient aussi dans ce domaine. Elle a d’ailleurs mené une enquête portant sur les années 2021 et 2022 auprès de 1100 établissements concernant la loyauté des allégations environnementales utilisées pour valoriser les produits non-alimentaires.
L’Europe s’empare également du sujet et est en train de négocier sa directive “Green Claims” qui va venir encadrer plus précisément les allégations environnementales et les éco-labels.

Lutte contre le greenwashing :


Dans le but de contrer le fléau qu’est le greenwashing, de nombreux acteurs ont mis en place des conseils pour les entreprises afin d’éviter d’en faire mais aussi pour les consommateurs afin qu’ils puissent le reconnaître.
On peut citer notamment l’ARPP, l’Agence de Régulation Professionnelle de la Publicité, l’organisme privé d’autorégulation de la publicité en France. Sans pouvoir infliger de sanction légale, l’ARPP a pour rôle de favoriser une publicité saine sur une base d'autodiscipline, elle établit des règles éthiques et des normes de publicité. Elle travaille souvent main dans la main avec l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise en énergie ou Agence de la Transition écologique) pour éviter le greenwashing et limiter l’utilisation abusive d’arguments écologiques. L’ADEME a d’ailleurs publié son guide Anti-greenwashing qui est un “outil de sensibilisation, d’aide à la décision et à la création dans le respect des règles d’une communication plus responsable ”. Ce guide permet aux entreprises d’effectuer une autoévaluation de leur stratégie de communication
On peut aussi parler des Autorités de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP). Dans certaines régions, ces autorités indépendantes veillent à ce que les publicités ne soient pas trompeuses ou mensongères, y compris en matière d’allégations environnementales. En 2020, l’ARPP a même publié son document “Recommandation Développement Durable” version 3. En vigueur depuis août 2020, il induit une double responsabilité pour les professionnels. L’objectif est de “présenter les actions significatives de l’annonceur ou les propriétés de ses produits en matière de développement durable” ainsi que de les inciter à “respecter les principes des objectifs de Développement Durable de l’ONUD (Organisation des Nations unies pour le développement) qui abordent les différentes dimensions du développement durable : la croissance économique, l’intégration sociale, la protection de l’environnement”. (site de l’ARPP)
Les associations de Protection des consommateurs telles que UFC-Que-Choisir, s’efforcent aussi de protéger les intérêts des consommateurs en dénonçant les pratiques trompeuses.
Toujours pour lutter contre le greenwashing le Conseil National de la Consommation (CNC) a créé plusieurs versions d’un Guide pratique des allégations environnementales qui fournit un état des lieux du cadre juridique de lutte contre l'écoblanchiment ainsi que des recommandations pour l’utilisation par les professionnels des allégations environnementales.
La norme ISO 14021, quant à elle, spécifie les exigences relatives aux auto-déclarations environnementales (symboles, mentions etc). Elle décrit aussi une méthodologie générale d’évaluation et de vérification des autodéclarations environnementales.

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Afin de reconnaître le greenwashing quelques astuces existent. Vous pouvez tout d’abord vérifier les certifications et labels placardés sur vos produits. Il se peut qu’ils n’aient aucune valeur. Analysez les termes utilisés et faites attention aux termes vagues, s' ils ne sont pas clairement définis ou soutenus par des preuves tangibles ils peuvent relever du greenwashing. Méfiez-vous aussi des publicités qui utilisent énormément des images de la nature sans fournir de détails. Elles peuvent s’avérer trompeuses.

En conclusion, le greenwashing représente une menace sérieuse pour la confiance des consommateurs mais aussi pour l’environnement. Les allégations environnementales trompeuses et autres techniques utilisées peuvent induire en erreur le public et de ce fait contribuer à des pratiques préjudiciables pour la planète. La vigilance des consommateurs, combinée aux nombreux efforts des organismes de régulation est essentielle pour lutter contre cette pratique qui peut s’avérer déloyale et encourager une transition authentique vers des pratiques commerciales plus respectueuses de l’environnement. En se tenant régulièrement informés et en devenant critiques sur ces sujets, les consommateurs peuvent jouer un rôle particulièrement crucial dans la promotion de bonnes pratiques et la protection de l’environnement.
Chez L’Exception, nous essayons à notre échelle d’éviter le greenwashing. Nous avons ainsi fait auditer notre communication ainsi que notre plan d’action RSE par le cabinet Bluequest afin d’éviter de tomber dans le piège de la surcommunication sur les spécifications environnementales de nos produits.
Afin d’être les plus transparents avec vous, nous essayons (quand l’information est disponible) de vous fournir le maximum d’informations sur nos produits. Nous avons demandé à nos marques de nous fournir leurs plans d’action en matière de RSE. Nous mettons aussi en avant les produits qui correspondent à nos critères Eco x Ception . Attention, nous répétons que ces critères ne visent pas à dire qu’un produit est éco-responsable, si tant est qu’on puisse dire qu’un produit puisse l’être. Mais ce sont des indicateurs utiles pour votre navigation au sein du site.
Également, dans un souci de pédagogie, il nous paraît essentiel de vous informer sur les bonnes pratiques de consommation, sur des sujets clés tels que la fast-fashion ou vous présenter des marques qui intègrent l’éco-responsabilité dans leurs conceptions.